Jacques Matthey,
AFOM et Conseil œcuménique des
Églises, Genève
Il m’incombe d’expliquer brièvement le déroulement
du programme de cette conférence et donc la structure de la publication
qui en rend compte.
Suite à la présentation faite par Jean-Marie
Aubert, président de l’AFOM et président de la conférence,
je ferai la parenthèse qui suit avant de revenir sur le programme
lui-même. Si l’on fait exception du développement des mouvements
pentecôtistes ou charismatiques issus des réveils successifs
du siècle passé ou de la difficulté d’une interprétation
théologique de la place des religions dans le monde, les changements
sociaux et culturels en Occident et leurs implications sur les comportements
religieux peuvent certainement être estimés comme le défi
missiologique le plus important de ce début de millénaire.
Nous sommes les témoins de la fin d’une époque de près
de 2000 ans qui avait commencé avec l’empereur Constantin, mais ne
savons pas encore vers quel paysage ecclésiastique les transformations
actuelles vont nous mener dans les années à venir. Il est donc
très heureux qu’après les conférences de Stavanger et
Halle, les associations européennes de missiologie se consacrent de
nouveau entièrement à la réflexion sur les changements
actuels discernés dans le monde européen et les conséquences
que cela a, aura et pourrait avoir pour le témoignage chrétien
dans ce qu’il est de plus en plus convenu de considérer comme le «
champ missionnaire » le plus difficile du monde contemporain.
Les trois grands axes de la conférence
Dans une première partie, nous nous
sommes interrogés sur l’interprétation du contexte historique,
idéologique, social et culturel dans lequel les Églises européennes
se trouvent. Les exposés de ce premier axe ont été centrés
sur l’histoire des idées, l’analyse sociologique des changements,
la mutation des modèles d’interprétation et les valeurs spirituelles
qui sous-tendent les motivations et perceptions de nos contemporains. Si
ces premiers intervenants représentent certes des spécialisations
et des approches variées, il a semblé essentiel au groupe organisateur
d’enrichir la démarche par deux réactions en provenance respectivement
du monde pentecôtiste et grec-orthodoxe. Sans ce que nous avons appelé
dans le programme des « contre-points », notre perception de
la réalité aurait, en effet, été incomplète.
On peut d’ailleurs se demander si une conférence
missiologique comme celle de Paris, tenue dans une dizaine d’années,
n’inverserait pas l’approche en offrant un programme dans lequel les thèmes
principaux seraient développés par des orateurs et oratrices
spirituellement héritiers et héritières du mouvement
charismatique et de la tradition orthodoxe, et les contre-points présentés
par des missiologues reliés au protestantisme et au catholicisme de
la partie occidentale de notre continent.
La structure du programme, consacrant le premier jour
à l’analyse du contexte, avant d’aborder de front les questions bibliques
et théologiques, pouvait laisser entendre que le discours missiologique
des associations membre de IAMS était entièrement dépendant
de l’approche dite « contextuelle », c’est-à-dire qu’il
ne peut se développer que sur la base de l’analyse sociale ou idéologique
de la réalité continentale. Les exposés qui sont réunis
dans ces Actes montrent que les intervenants de cette première partie
ne sont pas neutres du point de vue théologique ni ne prétendent
l’être. L’analyse, même sociale ou historique, n’est pas sans
lien avec la vision que l’on a de l’héritage chrétien et de
la mission des Églises. On le sait bien, la théologie contextuelle
n’échappe pas au cercle herméneutique ; car aucun discours
ne peut faire abstraction des expériences et des choix du chercheur
en matière de religion. Il reste que cette structure du programme
est nécessaire dans une conférence des associations européennes
liées à IAMS ; car ce sont précisément les théologiens
européens qui dans l’histoire de l’Église et l’histoire missionnaire
ont le plus péché par l’universalisation consciente et inconsciente
de leurs discours et interprétations bibliques, les imposant aux Églises
ou facultés de théologie issues de cultures tout à fait
différentes. Nous devons constamment garder en mémoire les
critiques virulentes qui avaient été faites aux chrétiens
d’Occident en 1972 lors de la conférence missionnaire de Bangkok.
Elles n’ont pas encore vraiment perdu leur pertinence.
La deuxième partie
du programme était consacrée à la tentative de comprendre
comment les évolutions qui ont été discernées
influencent la vie, le mode d’organisation, le discours et le témoignage
d’Églises concrètes. Il n’était pas possible, dans le
cadre d’une conférence comme celle de Paris, de faire justice à
tous les contextes spécifiques du continent européen. Une intervention
principale à partir du contexte néerlandais, et deux contrepoints
ont dû suffire. Le travail en ateliers a offert un espace pour des
apports supplémentaires en provenance d’autres pays ou régions
du continent. Il n’est par contre pas repris dans ces Actes.
Cette deuxième partie du programme s’est achevée
par la rencontre et le dialogue avec des représentants ecclésiastiques
et missionnaires français, au siège de l’ancienne Société
des missions évangéliques de Paris, au boulevard Arago. Les
participants à la conférence y ont été reçus
par le Défap-Service protestant de mission. C’est à cette occasion
que le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération
protestante de France et président de la Conférence des Églises
Européennes (CEE-KEK), a prononcé le discours reproduit dans
ces Actes.
La troisième partie
du programme de la conférence de Paris avait pour but de relire les
textes fondateurs de tout « envoi » dans la tradition biblique,
puis de tenter une nouvelle synthèse missiologique pour définir
les principes du témoignage chrétien contemporain en Occident,
tant de la part des personnes que des communautés. À cause
d’un empêchement de la part de l’orateur principal chargé de
la synthèse, les organisateurs avaient demandé à plusieurs
participants et participantes d’accepter de préparer dans de très
brefs délais des présentations sur quelques thèmes spécifiques
liés à leur compétence particulière, afin de
remplacer l’exposé missiologique prévu à l’origine.
Les quatre textes publiés dans ces Actes sont donc issus de ces interventions,
plus ou moins retravaillées suite à la conférence. Une
note rappellera le caractère nécessairement contextuel de telles
interventions. Peut-être était-ce là une incitation de
passer d’une forme de théologie et d’exposé académique
héritée de la modernité à une manière
de procéder plus postmoderne…
Cette troisième partie de la démarche se
devait de donner de la place aux expériences concrètes de la
vie et du témoignage des Églises. Durant la conférence,
une première approche s’est tout naturellement faite par la participation
aux services liturgiques du dimanche matin dans des communautés à
Paris. La partie formelle incluait, elle, des présentations détaillées
d’expériences faites actuellement en Europe. Plus que toute autre
branche de la théologie, la missiologie perd sa crédibilité
si elle n’est pas articulée à la réalité du témoignage
vécu. Parmi les questions abordées, on pouvait noter les types
de présence, les questions d’ordre liturgique, et une réflexion
sur les ministères ainsi que sur l’aspect universel du mandat de l’Église.
Même si la conférence de Paris était consacrée
à la réflexion sur la mission en Europe, l’envoi à la
suite du Seigneur crucifié et ressuscité ne peut jamais se
limiter à un seul contexte. Il incombait donc également de
réfléchir à la manière dont la participation
des Églises d’Europe à la mission mondiale peut se faire dans
le contexte historique précis qui est le nôtre. Un « contrepoint
» important a clos cette partie de la conférence : il s’agissait
d’interventions de missiologues orthodoxes d’Europe de l’Est sur des aspects
de la théorie et pratique de la mission dans leurs Églises.
Pour des raisons de place, ces nouveaux contrepoints peuvent être consultés
sur le site www.afom.org.
À ce point de la démarche, la parole fut
donnée à un « grand témoin » du Sud. Car
si les chrétiens européens portent la responsabilité
principale pour discerner la volonté de Dieu et le mandat des Églises
dans leur continent, ce discernement ne pourra être que partiel, voire
partial, sans un dialogue sérieux avec ceux et celles qui portent
un regard de l’extérieur sur nos cultures et nos Églises, qu’ils
vivent parmi nous comme représentants des autres cultures ou que leur
discours provienne d’autres continents. Ce n’est qu’au prix d’un large dialogue
interconfessionnel et interculturel que le Saint Esprit nous guidera vers
la vérité tout entière, selon la promesse de l’Évangile
de Jean.
On ne peut que souhaiter que ce genre de rencontre de
théologiens de la mission s’intensifie encore à l’avenir, pour
le bien du témoignage chrétien en Europe, comme dans les autres
continents. Une occasion en sera offerte dans les mois et années qui
viennent par le processus international et interconfessionnel d’études
visant à préparer les célébrations du centenaire
de la conférence missionnaire mondiale d’Edimbourg en 2010. Les contributions
et discussions de la conférence de Paris publiées dans ces
Actes sont une contribution à ce processus.
Durant la conférence, un « groupe d’écoute
» avait été constitué avec des représentants
et représentantes de chacune des associations missiologiques participantes.
Ce groupe avait été chargé de discerner des pistes importantes
pour la réflexion future, de rendre visibles des éléments
communs et des divergences, mais pas d’offrir un texte que la conférence
aurait à approuver. Le rapport a été lu en séance
plénière, mais ni discuté ni adopté. Il représente
l’état de la réflexion commune du groupe d’écoute.
L’ordre des textes de cette publication correspond dans
l’ensemble à l’ordre dans lequel les exposés ont été
tenus. Dans certains cas, des explications supplémentaires ont été
insérées en guise d’introduction à certaines interventions.
|